Les enseignements 2024 - 2025
La section clinique de Bordeaux aura pour thème :
Acte et inconscient
Première Session
Lecture du Séminaire XV
Du 8 novembre 2024 au 14 février 2025
L’introduction du Séminaire XV, L’Acte psychanalytique, s’ouvre sur une assertion : La psychanalyse, ça fait quelque chose. Elle augure moins d’évidences, celles de l’usage courant du langage, que de malentendus entre acte et faire. D’autres disciplines comme la philosophie ont précédé la psychanalyse quant à la question de l’acte et de sa valeur. Or, la psychanalyse s’en écarte. La psychanalyse est d’abord la rencontre d’un psychanalysant (terme nouveau) avec un analyste. L’analysant « prend son bâton, charge sa besace, pour aller à la rencontre, au rendez-vous du sujet supposé savoir »[1], point de départ de la cure. C’est une pratique qui introduit à un tout autre rapport de l’acte entre les êtres humains d’autant que le psychanalyste sait en principe l’impasse propre au sujet.
Dans ce Séminaire, Lacan avance par touches successives pour éclairer pour la première fois la question de l’acte psychanalytique en tant que tel. Si Freud s’est interrogé sur le ratage de l’acte manqué, abri qui cachait l’acte, c’est le Séminaire XV qui en dévoile la structure jamais élucidée jusqu’ici. La question du transfert, celle de la logique du parcours analytique et de sa fin, le passage du psychanalysant à l’analyste sont des jalons à l’étude de ce Séminaire. Ils permettent de saisir que, dans l’expérience analytique,
« l’acceptation d’être rejeté à la façon de l’objet a »[2] est au cœur de l’acte psychanalytique.
[1] Lacan J., Le Séminaire, livre V, L’Acte psychanalytique, Paris, Seuil, 2024, p.132.
[2] Ibid, p.269.
Introduction à la psychanalyse
Clinique du manque et de l'excès
Du 14 novembre 2024 au 10 avril 2025
Le manque est en psychanalyse à référer à une notion de structure. Il doit être entendu comme ce que Freud a défini du complexe de castration.
L’excès chez Freud évoque la pulsion et sa constance au-delà du principe de plaisir. C’est ainsi qu’il a approché le malaise dans la civilisation de son époque.
Les traductions cliniques de ce binaire manque-excès sont multiples : que ce soit l’anorexie (privation) ou la boulimie, la bipolarité entre état mélancolique et état maniaque, (à condition de bien distinguer le manque et le vide) les addictions avec ou sans objet (toxicomanie, jeux, écrans, travail), l’enfant inhibé ou agité, le lien social de la solitude au polyamour, l’affect de l’ennui à la passion, de l’interdit sexuel aux libertés en tous genres, et bien d’autres encore.
Nous aborderons à partir de cas cliniques les notions qui orientent la pratique avec des sujets marqués du « trop » ou du « pas assez », et apporterons des réponses dans le traitement de ce qui n’est pas seulement trouble mais peut advenir comme symptôme analytique. Les concepts étudiés seront entre autres, à côté du manque, ceux du désir insatisfait et de la défense contre le désir de l’Autre, mais aussi ceux du phallus et de la castration ; côté excès, la pulsion et la jouissance, l’objet a et le surmoi. Ils nous permettront de repérer en quoi la clinique du manque et de l’excès sert, dans une cure analytique, à accéder à un dépassement et une fin.
Atelier de Psychanalyse Appliquée (APA)
Clinique de l'acte
Du 14 décembre 2024 au 14 juin 2025
Freud opposait le fait de se souvenir et celui d’agir. La psychanalyse a transformé la vision que l’on pouvait avoir de l’acte et de l’action du sujet, d’abord en y introduisant une différence. Faire n’est pas agir ! Mais c’est surtout Lacan qui a permis de bien distinguer dans la clinique l’acting out et le passage à l’acte en les opposant. « L’acting out est essentiellement quelque chose, dans la conduite du sujet, qui se montre.[1] » Il est inscrit dans le mouvement du transfert et s’oriente vers l’Autre. Au contraire, le passage à l’acte est une sortie de scène et vise une séparation de l’Autre. Nous aurons l’occasion d’étudier cette opposition dans l’examen de la clinique du suicide mais aussi de la tendance agressive. Mais l’acte, aussi immotivé ou énigmatique qu’il puisse paraître, à toujours lieu d’un dire. Un dire n’est pas un dit, ce qui explique que souvent les mots viennent à manquer pour en articuler les coordonnées.
Depuis Freud la psychanalyse s’est aussi penchée sur la question du criminel et du délinquant, pour pouvoir déceler parfois le caractère irréel du crime ou de l’acte délictuel, selon le mot de Lacan. Cela peut permettre parfois d’éclairer mieux les questions modernes de l’attentat sexuel et des violences intrafamiliales. Il y aura aussi à examiner ce qu’il en est pour la victime et son rapport au trauma.
[1] Lacan J., Le séminaire X, Seuil, p. 145
Deuxième Session
Tristesse, désespoir et maladie dépressive
Du 14 mars 2024 au 27 juin 2025
En institution comme en libéral affluent les plaintes où se répètent les mots déprime, dépression, voire burn-out ou changements d’humeur. Ce sont des affects et, en tant que tels, « produit de la prise de l’être parlant dans un discours »[1] comme le dit Lacan. Chaque époque s’accompagne d’un discours et chaque discours produit ce qui affecte les parlêtres.
Faudrait-il en déduire que la nôtre se colore d’une tonalité dépressive ? Si la montée au zénith de l’objet a et la chute des idéaux disent aussi la jouissance éperdue, sans la boussole du désir, elle dit, par conséquent, la prépondérance de la pulsion sur le signifiant. Lorsque l’on cesse de tenter de dire ce qui épuise ou attriste, il y a de quoi perdre espoir. Or, il n’y a rien à espérer du désespoir, disait Lacan.
C’est pourquoi il y a à « vérifier plus sérieusement l’affect »[2], c’est-à-dire ce qui se loge dans une tristesse ou une dépression, voire un désespoir. Lacan nous incite à les différencier. Ainsi, la tristesse n’est pas un état d’âme, c’est une faute morale : chacun est responsable de ne pas céder sur son désir, à commencer par son désir de savoir. Notre époque, où s’illustre le rejet de l’inconscient, dit bien le refus de savoir ce qui ne peut se dire et les affects de tristesse qui s’ensuivent. À l’opposé d’un savoir triste, Lacan invite à un gay sçavoir : s’attacher au déchiffrage et au bien-dire n’en finit pas de donner de l’espoir. C’est la joie lacanienne[3] !
[1] Lacan J., Le Séminaire, livre XVII, L’envers de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1991, p. 176.
[2] Lacan J., « Télévision », Autres écrits, p. 524.
[3] Miller J.-A., « Les affects dans l’expérience analytique », La Cause du désir, p. 111.